Suicide

 

 

Douleur, kaléidoscope, couleurs.

Deux semaines que je me traine du lit à la cuisine. Deux semaines de nausée, de mauvaise haleine, de maux de tête, de vomissements. Tout est sale, dégueulasse, minable. Je n'ai rien à faire. Le monde, mon monde, est enfermé entre ses murs puants la crasse, la maladie, la tristesse et la mort. Mon horizon se limite aux motifs fades de la tapisserie, mes espoirs sont restés dehors.

J'ai fermé les portes et les volets. J'ai débranché le téléphone. En deux semaines d'absence on n'a frapper qu'une fois à ma porte. J'ai regardé par le judas. C'était les témoins de Jehovaha, ils tombaient bien ceux-la avec leurs conneries. J'aimerais tellement avoir leur tranquille assurance, leur niaise conviction d'être attendu. Ils sont souriant, content d'eux, fiers de leur message. Je n'ai pas dit un mot, pas fait un bruit. Ils ont pensé que l'appartement était vide. Ils sont partis.

J'ai la chiasse. C'est normal. Je ne mange que des conserves: des sardines à l'huile, du thon, des légumes; comme ça, crus, directement dans la boite. Il est trop tard pour sortir aujourd'hui. Il est trop tard pour sortir.

Pourquoi dois-je sortir ?

Pour qui ?

pour quoi ?

C'est trop tard. J'ai pourtant chercher.

Je me suis persuadé que j'aimais la vie.

Je me suis inventé des rêves, des buts, des envies. Mais je me suis menti, c'était du cinéma. Je jouais la comédie. A moi, comme aux autres, ceux à qui j'ai fait croire que j'avais des passions dans l'existence. Ils l'ont cru, ils s'en foutaient, ils ont fait comme moi.

Nous cherchions même a nous surpasser dans notre aveuglement. Je pisse sur cette triste comédie. J'en ai plus rien à foutre. Tout ça c'est du temps perdu. Si j'ai une raison d'exister, je ne l'ai pas trouvé ici. Si j'ai des buts, ils ne sont pas de ce monde.

Peut-être les trouverai-je ailleurs. Peut- être sont ils derriére nos sens aveugles, juste devant notre nez. Ils sont surement simples et évidents. L'univers est évident. Il est logique. Nous le trouvons compliqué parce que nous ne savons pas le resentir. Il est en nous, il est nous. Mais nous sommes des infirmes. Plongés dans la nuit, sans repéres, sans phares. Nous marchons pour rien, au hasard, n'importe comment.

Si je me débarrasse de cette chair inutile, de cette gange, peut-être serai-je enfin un rouage utile dans le grand cirque du cosmos. Je trouverai ma place, comme une piéce de puzzle. Logiquement.

Deux semaines de sardines à l'huile. Sans voir le soleil et les hommes-hors du monde-déjà, en transit, déjà dans le sas. Je suis sur le départ. C'est le premier pas qui coute, tout voyage commence par quelques centimétres gagnés sur les habitudes. J'essai d'entendre. Mais mes oreilles sont calibrées pour les bruits des hommes. J'essai de comprendre. Mais on ne peut comprendre, on ne peut résoudre, quand toutes les données sont fausses. Les cachets commencent à faire effet. La fatigue m'engourdit. J'arrête d'écrire. Je dois profiter du voyage.