Sans titre

J’attendrai jusqu’a la fin de ma vie, le jour d’être reconnu de mes semblables. Ils parleront de moi sans me connaître.

Certains diront que j’étais droit, intègre, intelligent et original. D’autres diront que j’étais un intrigant, un mystificateur, un incapable et un inculte.

Tous, ils auront tort. Ils seront jusqu’au bout ignorant de ce que j’étais vraiment, de ce que je voulais être.

J’aurais souffert de leur mépris et de leur désintérêt. Ils auront pris sur leur temps pour me juger, me tester, tenter de savoir ce que j’avais au fond de moi pour mieux me mépriser ou montrer mes travers.

Mais, si jamais ils ne me jugèrent fertile, et au moins aussi utile ou inutile qu’eux, ce sera pareil, ni plus, ni moins. La mort, juste, pour tous, sans distinction de gloire ou d’opprobre.

J’aurais connu le bonheur, la tristesse, l’espoir et la honte. J’aurais goûté à cette vie et j’aurais fait de mon mieux pour glisser silencieusement entre ses pièges.

J’aurais attendu un jour qui n’est jamais venu. Le jour d’une plus grande émotion, le jour d’une révélation, le jour d’une quête, le jour d’un amour.

Un jour idéal, sans raison, toujours rêvé. Un rêve impossible à étancher. Une longue agonie dans le noir. Une course en avant pour échapper à l’absurde.