Falaise-confidente

 

 

Chaque matin, juste avant le lever du jour, je vais au bord de la falaise.

J’y vais quel que soit le temps. A cet endroit, la mer fait, en toute saison, un vacarme assourdissant, mélange blanc de vent et de masses d’eau qui s’écrasent sur les rochers.

C’est là, loin de toutes indiscrétions humaines, que je vide mon âme brûlante, gonflée et tendue, prête à rompre. Loin des juges, je me confesse aux éléments, autant dire à Dieu mais plus encore à moi-même. J’ai choisi mes mots pendant la journée et surtout pendant la nuit. Ils sont prêts, incandescents, chargés d’un sens qui dépasse tous langages. Ayant la certitude de ma solitude, je les laisse sortir par ma bouche. Je vomis. Leur flot est variable, je ne tente pas de le contenir. Je m’efforce de les dire distinctement pour qu’ils entrent en moi en ayant conservés leur pureté originelle. Je parle, je hurle, je vocifère sans retenue. Je répète la même phrase, le même mot, jusqu’au dégoût, jusqu’à l’écœurement, jusqu’à ce que l’émotion ruisselante et torride qui le recouvre soit froide et docile.

Mon ventre parle à ma pensée.

Quand je sens de nouveau le vent et les embruns qui me fouettent, alors je sais que je suis libre pour encore un jour. C’est à cet instant que je pleure brutalement et à grands flots, mais sans douleur, comme dans la joie d’une délivrance. Les larmes lavent mon visage et ma bouche. Les larmes me soulagent et achèvent ma confession.

Alors seulement, je peux revenir auprès de toi. Je me glisse sous les draps contre ta chaleur et je dors avec toi jusqu’à ton réveil.

Décembre 2000