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DISSECTION
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Il y avait des jours qu'elle sentait. Une drôle d'impression d'image, une sensation visuelle. Elle pensait: -"Je suis dans le noir depuis si longtemps, j'ai oublié la lumière." Les murs, au delà de sa prison apparaissaient au fils des heures. Les grilles, les portes, les verrous, les loquets, elle les connaissaient tous. Elle avançait dans les couloirs déserts, elle ouvrait les portes, rien ne la retenait ici, elle était libre. Elle était enfermée depuis si longtemps. Depuis combien de temps ? Elle se souvenait des murs gris, des cris d'angoisse, des premiers jours. Elle se souvenait de son réveil, du jour ou commença son calvaire. Il était venu presque aussitôt. Une blouse blanche, des yeux froids et intelligents, des instruments chirurgicaux. Il avait contrôlé‚son pouls, ses pupilles, sa langue et il paraissait satisfait. Elle ne comprenait pas ou elle était, ni ce qu'il lui était arrivé depuis qu'elle s'était assise dans le fauteuil de son dentiste. Il ne lui avait pas répondu et avait vérifié ses liens. Puis il lui avait dit:
-"N'ai pas peur. Tu ne souffriras pas, tu ne sentiras rien. Je prendrais ce qu'il y a de mieux en toi et tu vivras dans d'autres corps. Tu seras réincarné..."
Ses mots s'étaient éteint dans un rire léger, comme s'il riait de lui même. Il était content de son petit discours, mais il trouvait la situation faussement légère. Son sourire disparut et ses yeux devinrent glacés.
-"Tu es à moi. Tu n'es plus qu'un paquet d'argent prêt à être placé. Je vais te vendre, pièce après pièce, organe après organe. Tu va disparaître lentement, te dissoudre, tu es déjà morte."
A ce moment, elle avait compris qui il était et pourquoi elle était là. Elle avait entendu parler de ce genre d'homme et de ce commerce immonde sans jamais vraiment croire à leurs existences. A ce moment, tout avait basculé. Elle s'était sentie comme une pièce anatomique prête à la dissection, comme un morceau de viande sur l'étal du boucher dans laquelle chacun vient tailler sa part.
-"Je prendrais d'abords tes ovaires.", dit il, "Je sais qu'ils sont féconds et que tu ne prends plus de contraceptifs depuis presque quatre mois."
Sur le moment, elle n'avait pas cru à ce qu'il avait dit, mais à présent, elle mesurait parfaitement l'horreur de cette déclaration. Il prit sans attendre ce qu'elle avait de plus intime, de plus précieux. Ce qui faisait d'elle une femme. Il ouvrit sa chair vierge et découpa, tailla, arracha ce qu'il voulait. Il introduisit ses outils tranchants dans ce corps déjà en deuil. Le lendemain lorsqu'elle s'éveilla, ses mains glissèrent sous le drap. Ses doigts cherchèrent et trouvèrent la plaie redoutée. Une longue cicatrice, épaisse, mal suturée, disgracieuse, barrait son ventre depuis le pubis jusqu'au nombril. Elle sentit des larmes brûlantes monter dans ses yeux. Il avait commencer son odieux pillage. Elle pleura en pensant qu'elle pourrait encore le faire tant qu'il n'aurait pas pris ses yeux.
Quand reviendrait il ? Elle s'était posée cette question obstinément, à chaque fois qu'il l'avait laissé dans sa couchette après avoir prélever ce dont il avait besoin. Pourtant, tout avait changé la nuit ou il avait enlevé la partie postérieure de son lobe cérébral gauche. En regagnant sa prison, elle avait sentie grandir en elle une force nouvelle. Elle avait exploré le domaine de son tortionnaire, comme si son âme s'était vu pousser des ailes. Elle avait franchit les murs, elle avait retrouvé sa liberté. Elle le voyait, lui. Il travaillait dans son laboratoire. Des cultures cellulaires, des réfrigérateurs bourrés d'organes, des pièces anatomiques dans des bocaux et des congélateurs. Elle le voyait. Il y avait si longtemps qu'elle ne l'avait pas vu. Elle pouvait le suivre dans le dédale des couloirs. Elle le voyait ouvrir la porte de sa cellule mieux que lorsqu'elle avait des yeux. Il s'approchait d'elle et la contemplait en connaisseur. Il ne restait d'elle qu'un tronc ne comportant plus qu'une jambe compléte. Des cicatrices monstrueuses barraient sa poitrine, la ou jadis il y avait eut des seins. Ses yeux, son cuir chevelu, de longs lambeaux de sa peau avaient fait le bonheur d'une riche accidentée en mal de beauté. Elle n'était plus rien qu'une petite âme mobile, agile, qui découvrait, jour après jour, une nouvelle force. Elle était peut-être déjà morte, c'est pour cela qu'elle voyait. Mais non, elle sentait encore son coeur qui palpitait. Et puis quand il s'approchait, elle sentait son odeur lourde d'anesthésiant et de produits de conservation. Elle sentait son souffle. Elle savait qu'il lui restait peu mais qu'elle avait conservé ses dents.
Nous avons ouvert le laboratoire le matin du mardi 12 avril à la suite d'un appel téléphonique de la femme du Docteur Arthman. Elle avait déclaré qu'ils étaient séparés mais que d'ordinaire il lui donnait de ses nouvelles. Cela faisait plusieurs semaines qu'il ne donnait plus signe de vie. Une rapide enquête auprés des Organismes de Services révéla que les dernières factures d'électricité, d'un montant élevé, n'avait pas été‚payées. Le département donna l'ordre de faire une visite de contrôle.Un véhicule de service fut envoyé sur place et signala que le bâtiment était inoccupé et que des écoulements de nature indéfinissables avaient été signal‚par le Centre AntiPollution. Nous reçumes l'ordre d'investir les locaux.Le laboratoire était fermé de l'intérieur et le système d'alarme était suffisamment sophistiqué pour retenir notre équipe pendant 3 heures. Notre première constatation fut la présence de gaz de putréfaction et d'une odeur suffocante qui nous obligea à nous équiper de filtres AH45. Le laboratoire pharmaceutique du docteur Arthman se révéla rapidement comme étant une couverture à des activités illicites.Nous avons découvert un ensemble de congélateurs contenant une importante quantité d'organes humains. Plusieurs d'entre eux avaient disjoncté et leur contenu était vicié. Le RDC contenait également des chambres froides et des étuves garnis de cultures cellulaires de divers types. Un bureau équipé d'un système informatique connecté au réseau de distribution d'organe OPALE fût découvert ainsi que tous un ensemble de dossiers confidentiels sur microfiches. Ces dossiers très détaillés révélèrent les noms et adresses d'une centaines de personnes ayant alimentés cette banque d'organe clandestine dont le contenu a été évaluer, sur place par notre expert, à plusieurs millions de dollars.Une équipe d'informaticiens dépouilla le fichier informatique des personnes ayant bénéficiés des greffes prohibés. Ces personnes furent l'objet d'un mandat d'arrestation le jour même.L'exploration du sol révéla la provenance des organes découverts.Douze cellules contenaient chacune le cadavre d'une victime, parmi elles il y avait deux enfants en bas âge. Tous ces corps étaient partiellement amputés et l'examens des plus anciennes cicatrices de prélèvement montra qu'elles dataient de plusieurs années pour la plupart des victimes. Presque tous cadavres étaient raccordé à un ensemble de suppléances fonctionnelles.La cellule numéro 8 contenait le corps, trés diminué, d'une femme de race blanche, agée de trente ans environ et le corps du docteur Arthman. Le bourreau avait été égorgé‚par sa victime. Celle ci avait déchiré‚de ses propres dents la carotide et une partie de la trachée du docteur. Celui ci était mort dans les secondes suivantes sans pouvoir quitter la cellule.Notre expert déclara que la jeune femme était morte depuis seulement quelques jours.Le croisement des fichiers découverts montra que le docteur Arthman utilisait les services d'un "rabatteur". Celui ci, dentiste dans la troisième rue fut arrêté le jour même et par la suite condamné à mort. |
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