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LA DEESSE DE PIERRE
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De toi, je ne garde qu'un vague souvenir. J'étais fatigué d'avoir longtemps marché et l'épuisement avait rompu mes défenses. Une étrange langueur s'est insinuée dans mon esprit. J'ai obéi machinalement à ton appel et j'ai marché vers ton ombre. Des jours et des nuits sont passés sur nous, sans que je m'en soucie. J'étais collé contre ta peau dure et rugueuse, et je sentais ta vie sourdre dans mon coeur. Moi qui ne l'avais jamais soupçonnée. Pourtant, malgré la béatitude dans laquelle tu me maintenais, j'ai repris conscience du monde "hors de nous". Tu as relâcher ta prise une seconde et j'ai compris ton jeu. Tu es un piège. Ta chair et la mienne commençaient leur union. J'ai lutté pour rester humain et vivant, je t'ai repoussé. Aussitôt, le froid m'a saisi. Je suis tombé à la renverse dans la neige. J'ai regardé les montagnes pendant un moment et j'ai compris que je t'aimais. Ta douceur, ta chaleur, tes formes ovales et organiques, les lumineux cristaux de quartz de ta peau. Je n'avais jamais goûté un pareil bonheur dans ma misérable vie et j'ai trouvé toutes les raisons d'une reddition à corps perdu à ta volonté. J'ai remis mon ventre contre toi et mon âme est repartie dans ton infini. Combien de temps sommes nous restés dans cet embrassement éperdu, je n'en sais plus rien. Je ne me souviens même pas des mains qui m'ont arraché à ton étreinte. J'ai failli mourir de cette deuxième naissance mais, j'ai survécu. Les moines m'ont soigné durant plusieurs mois et m'ont raconté ta légende et ton secret. Je rêve encore souvent de toi et de ton amour. Je porte toujours la marque de nos épousailles, enkystée sur mon ventre: une épaisse croûte de pierre grise.
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