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BABEL
Dieu n'avait vraiment plus rien faire d'inutile. Il venait de faire sa grande visite millénaire sur tous les mondes farfelus qu'il avait commis au cours de sa grande carrière de déconneur cosmique. Ce jour là était un jour de joie au jardin d'Eden car le patron était de retour et c'était le signe d'une grande fête; une fête à l'échelle des participants, une fête orgiaque et démesurée. Les anges dressèrent la table en jouant de la trompette et tous les Saints rappliquèrent en chantant des cantiques. Dieu avait une "pèche" terrible. Il convia pour l'occasion une tribu infernale réputée pour ses rythmiques endiablées. Les plats furent apportés à la table céleste reposant sur des charrettes de cristal tirées par d'énormes veaux gras. Tous les convives d'Eden, et même du purgatoire et des enfers, s'étaient rassemblés autour de la table dont la forme changeait au gré de la sarabande sauvage des chérubins. Tout le monde _mangeait et buvait à foison, les plats et les tonneaux étaient inépuisables. Les Saints avaient les joues rouges et les yeux brillants. Ils reconnurent à cette occasion que les prophètes qui avaient tant vanté les largesses de Dieu et les plaisirs du Paradis n'avaient pas menti. Ils en avaient tous pour leurs misères, leurs mortifications et leurs supplices. Pas un ne regretta son investissement de douleur. La fête battait son plein. Les diablotins dansaient sur la table en singeant les "Folies bergères". Abraham, pichet au poing, chantait à tue-tête une chanson à boire, soutenu par son fils, lui aussi bien éméché. La vierge Marie était le point de mire d'une dizaine de marots avinés que Jeanne d'Arc venait de congédier. Elle avait défait ses cheveux qui retombaient en boucles dorées sur ses épaules. La fête était une incontestable réussite. Du moins tous les signes d'une réussite étaient là quand soudain une voix nasillarde et lointaine se glissa dans le brouhaha déchaîné des convives. "Envoyez la benne." Un silence de mort tomba d'un bloc sur les joyeux fêtards. Dieu fit des yeux ronds et releva ses sourcils à la recherche du trouble fête. "D'ou vient cette voix ?" On tendit l'oreille vers le haut, à droite, à gauche, sous la table. Rien. "Beber ! Amène sur la poutrelle dix-neuf." Les yeux s'agrandissent de stupeur, la voix venait du bas. Dieu cracha le morceau de gigot qu'il mastiquait et soufflant sur les nuages environnants, dégagea le ciel. A travers l'azur limpide, on pouvait voir aisément d'où venait la voix. Elle venait du mégaphone d'un chef de chantier, installé sur une poutre métallique au sommet d'une gigantesque tour de béton et de verre. Le Paradis tout entier partit d'un énorme éclat de rire.
"Ils remettent ça," entendait t'on "Babel II, le retour," criait Simon Pierre a demi étouffé de rire. Ils rirent ainsi pendant plusieurs heures puis les plaisanteries s'épuisérent et tout le monde redevint sérieux. Les apôtres s'adressèrent directement à Dieu. "Tu vois ce que nous voyons. En vérité, leurs gratte-ciel seront bientôt au milieu d'Eden. Ils auront atteint le Paradis sans l'avoir mérité." "Tu dis la vérité Thomas", répondit Dieu," Tu es toujours aussi rationnel. Malgré, tous mes efforts pour les contenir, ils vont de l'avant, ils grandissent, ils prospèrent. Je n'aurais jamais pensé, qu'ils iraient si haut." "Nous devons faire quelque chose," entonnèrent les Saints. "Le même coup que la dernière fois", dit Judas, "Faisons leur encore le coup des langues, c'est une manoeuvre qui a fait ses preuves. Ils n'en sont même pas encore sorti, un petit coup de pouce et ils replongent pour dix mille ans." "Ton idée est séduisante, mon petit Judas", répondit Dieu," mais c'est du déjà vu. Je suis un créatif, moi.Il me faut du nouveau." "Moi, je sais", dit timidement Jésus, de sa voix douce. "Pissons leur dessus.". Ce fut une explosion de joie en Eden. Des rires à se décrocher les machoires. L'allégresse. L'idée du siécle," entendait-on. "On va s'offrir un déluge" Du bout du doigt, Dieu fit un trou au centre du jardin d'Eden et tous les joyeux drilles se rassemblérent autour. Ils rillaient, ils rotaient, ils buvaient en se lançant des plaisanteries. Bien sur, c'était Dieu qui dirigeait les opérations. "A mon signal..." "Pissez." ils pissèrent tous ensembles en poussant un immense soupir de soulagement. Des trombes de sainte urine s'abattirent sur la tour. Les poutres se tordirent, le béton se fissura, la structure céda et finalement tout s'écroula. Dans le ciel, au Paradis, les convives poussèrent un HOURRA, se tapèrent sur le ventre, refermèrent leur braguette et s'étendirent sous les pommiers en fleurs pour digérer. Voilà une bonne chose de faite. Tout en bas, sur la Terre, on dénombra deux cent dix neuf morts dans les décombres de ce qui devait être le Centre Mondial de la Paix. Fin |
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